La carte n’est pas le territoire
La carte n’est pas le territoire
Pour une bonne gestion de projet, il est important de pouvoir se représenter les tâches, le temps, les coûts… mais jusqu’où faut-il aller ?
Je me souviens d’un âge d’or de la gestion de projet détaillée où il était de bon ton de prévoir l’imprévisible, où les chefs de projet passaient 4 heures par jour à corriger leur diagramme de GANTT sous Microsoft Project.
Pourquoi critiquer ce genre de méthode me direz-vous ? Ne fonctionnent-t-elles pas ? Bien entendu, elles ont fait leurs preuves et fonctionnent toujours, toutefois elles ont été créés pour une monde révolu. Pour revenir à lui, le diagramme de GANTT a été créé il y plus d’un siècle pour l’ère de l’industrie où tout était figé. Une machine qui coulait 25 pièces d’acier par heure n’en coulait pas 26, et quand on construisait une usine et achetait des machines, c’était pour faire tourner le tout durant 20 ans. Aujourd’hui le travail s’apparente plutôt à contacter des clients, ajouter des lignes de code, répondre à des emails… et vous ne ferez pas ce même travail durant 20 ans, le monde a changé.
Aucun plan ne survit au contact de l’ennemi
Sun Tzu
Avec le passage à l’ère des services, mais aussi au numérique, ce type de planification militaire n’est plus utile. Je ne dis pas qu’il ne fonctionne, mais qu’il consomme trop de temps, il y a donc un mauvais retour sur investissement.
Un simple exemple : quand vous êtes sur la route des vacances, vous arrêtez-vous au bord de la route pour savoir s’il vous reste 121 ou 122.5 km à parcourir ? Non, ce serait ridicule, mieux vaut rouler et savoir qu’il reste 120 à 130 km. Les informations les plus pertinentes seraient de se renseigner sur l’état de la route à suivre, s’il n’y a pas de perturbation, s’il existe une meilleure alternative. Malheureusement, en gestion de projet, beaucoup trop de personnes gaspillent des heures de travail pour mettre à jour une prévision de 121 à 122.5 !
Si dessiner la carte prend plus de temps que de construire la maison : vous avez un problème!
Sans mettre le doigt sur une méthode en particulier, voici quelques points qu’il faut éviter :
Corriger le plan passé
La seule chose qui doit être toujours correctement détaillée, c’est la comptabilité. Pour le reste, si vous vous surprenez à faire de la rétro-correction dans votre outil de planning, posez-vous cette question : « Que vais-je faire de cette information ? » Si personne ne sait répondre à cette question dans votre entreprise, probablement que vous nagez dans des informations inutiles.
Etre une esclave de la méthode
Bien trop de personnes suivent une méthode comme s’il s’agissait des 10 commandements. La seule méthode à suivre est le bon sens. Pour en savoir plus, pensez à lire [#PROductivity5]
Planifier sur plusieurs années
A moins d’être liseur de bonne aventure, pas besoin de planifier votre projet dans le détail sur 5 ans. Non pas qu’il faille fermer les yeux sur l’avenir, mais si vous donnez la même précision à la semaine prochaine qu’à l’année prochaine, c’est soit que vous ne détaillez pas assez votre travail prochain, soit que vous détaillez trop votre travail lointain. Pensez à un tamis à plusieurs étages, dont chaque filtre est de plus en plus petit ; ce qui est loin de vous serait des gros cailloux et proche de vous du sable fin. Affiner au fur et à mesure n’est pas une fainéantise, mais le constat simple que beaucoup d’éléments planifiés à long terme disparaissent avant d’être réalisés ou en subissant un profond changement : ne détaillez pas trop l’imprévisible.
Penser que tout se déroulera selon le plan
Le scénario n’est pas le film et la carte n’est pas le territoire, n’essayez de vouloir les faire correspondre à tout prix jusqu’à refuser le changement.
Garder l’état réel secret
Certains chefs de projet possèdent une sorte de honte si la réalité ne s’est pas déroulée selon le plan et préfèrent cacher l’état réel de la situation. A ce moment-là, le plan ne devient plus une représentation simplifiée ni une estimation d’une réalité possible, mais un mensonge.
Le nouveau vent qui souffle au loin les anciennes méthodes de projet « en cascade » qui s’attachaient à vouloir détailler et figer dans le béton la moindre minute de travail pour la prochaine année à venir, laisse place aux méthodologies Agiles (Lean, Scrum, Kanban…) qui préfèrent donner une estimation, une tendance.
Souvenez-vous : si vous passez plus de temps à planifier une tâche qu’à la réaliser… vous allez trop loin !